La présidence Trump a-t-elle une influence sur le marché automobile européen ?
Depuis son investiture il y a dix-huit mois, Donald Trump a intensifié ses attaques contre le commerce avec l’Europe. Après avoir imposé des droits de douane plus élevés sur l’acier (+25 %) et l’aluminium (+10 %) européens, il envisage sérieusement d’imposer des droits de douane de 2,5 % à 20 ou 25 % sur les voitures non américaines.
Face aux actions de l’administration Trump, l’Europe a décidé de riposter très récemment. Tout d’abord, en déposant une plainte auprès de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Elle a ensuite décidé de prendre des mesures de rétorsion en imposant des droits de douane sur les importations (de 25 % dans la plupart des cas) de certains produits américains, y compris les véhicules, qui sont actuellement soumis à des droits d’importation de 10 %.
Quelques chiffres éloquents
Ces statistiques proviennent d’Invest Securities : en 2017, les Américains ont exporté près de deux millions de véhicules, pour une valeur de 57 milliards de dollars. Dans le même temps, ils ont importé 8,3 millions de véhicules (d’une valeur de 192 milliards de dollars), dont plus de 6,8 millions provenaient de quatre pays : le Mexique (2,4 millions), le Canada (1,8 million), le Japon (1,7) et la Corée du Sud (0,9 million). En ce qui concerne l’Europe, l’Allemagne exporte de loin le plus grand nombre de véhicules vers le pays de l’oncle Sam. Il n’y a que 657 000 unités (selon la VDA) pour les constructeurs automobiles allemands, qui détiennent néanmoins 90 % du marché haut de gamme aux États-Unis. L’Allemagne importe 166 000 véhicules depuis les États-Unis.
Faites le calcul : 57 milliards d’euros d’exportations contre 192 milliards d’euros d’importations. Nous parlons donc d’un déficit d’environ 135 milliards de dollars uniquement sur les « voitures et camionnettes » pour les États-Unis. En 2012, ce déficit s’élevait à 105 milliards. Ajoutez à cela le déficit sur les composants (qui est passé de 40 à 60 milliards en cinq ans) et sur les poids lourds (de 2,7 à 8 milliards de 2012 à 2017), et vous comprendrez l’ampleur du problème de compétitivité que connaît l’industrie automobile américaine (dans sa définition la plus large).
Une question de « normes » ?
Le président américain a ouvert les hostilités il y a quelque temps : « Pourquoi les Allemands n’achètent-ils pas autant de voitures américaines que les Américains achètent de voitures allemandes ? » L’ancien ministre allemand des Affaires étrangères, Sigmar Gabriel, n’a pas tardé à rétorquer : « Les Américains n’ont qu’à fabriquer de meilleures voitures ».
Ce qui ressemble, à première vue, à une querelle de politiciens cache en fait une vérité sous-jacente. Le marché automobile américain a imposé des normes de « qualité » qui ne sont partagées que par… les Américains.
Et encore, pas par tous ! Depuis une trentaine d’années, une proportion croissante d’Américains recherche des véhicules plus conformes aux habitudes du reste du monde, laissant le marché local face à de sérieux problèmes de compétitivité.
Pour pallier ces problèmes (du moins en partie), rien ne semble plus logique que de délocaliser une partie de l’assemblage et de la fabrication des composants. En particulier au Mexique.
Compte tenu de son célèbre slogan de campagne « America First » (priorité à l’Amérique), il est tout aussi logique que Donald Trump tente d’inverser cette tendance.
Il convient de garder à l’esprit que les fabricants américains pourraient être les premiers touchés par la mesure de Trump. Par exemple, Ford fabrique au Mexique pour le marché américain.
Un gros casse-tête en perspective ?
En mettant l’accent sur les importations, Trump a probablement oublié un détail : les constructeurs automobiles étrangers ont investi dans des usines américaines. La plus grande usine BMW du monde se trouve à Spartanburg, en Caroline du Nord. Mercedes-Benz possède également une usine à Tuscaloosa (Alabama) et Volkswagen en a une à Chattanooga (Tennessee).
Ainsi, si les constructeurs allemands ont exporté 657 000 véhicules vers le Nouveau Monde l’année dernière, ils ont également produit environ 804 000 unités (toujours selon la VDA). Et selon Bloomberg Intelligence, ces mêmes constructeurs ont exporté près de 490 000 véhicules qu’ils ont produits aux États-Unis vers des pays du reste du monde (y compris l’Europe).
Ces fabricants risquent donc d’être doublement pénalisés par le régime douanier imposé par les deux continents. Les droits de douane, s’ils sont répercutés sur les consommateurs (au moins en partie), ce qui est une certitude, sont susceptibles d’augmenter sur certains modèles. À moins qu’ils n’adaptent leurs modèles de production, en décidant de produire plus près des marchés sans exporter. Et cela n’est pas sans conséquences : la modification des lignes de production d’une usine automobile, ou, dans le cas présent, de plusieurs usines, coûte de l’argent, et pas qu’un peu !
À moins que les constructeurs n’installent des chaînes de montage aux USA (pour assembler des véhicules importés en kit), dont la valeur ajoutée est inférieure à celle d’une bonne vieille usine locale disposant d’un réseau local étroit de fournisseurs de composants. Cette pratique leur permettrait d’échapper aux droits de douane.
Et si le président américain s’attaque aussi aux pièces détachées automobiles, son administration risque de s’arracher les cheveux. À quel point ces pièces seront-elles américaines ? Les chaînes d’approvisionnement en composants sont souvent très longues. Ils peuvent en fait être fabriqués en Europe (ou ailleurs), modifiés aux États-Unis, puis renvoyés dans un autre pays pour être assemblés en kits avant de retourner aux États-Unis chez le fournisseur d’un fabricant mexicain. Surveillez cet espace !
Heureusement, les importations/exportations de voitures d’occasion en provenance et à destination des États-Unis restent marginales.